29 septembre 2013

ICITTE, C'EST PAS DISNEYLAND!



Dans la vieille ville de Varanasi, on se perd autant que dans un souk médiéval du Moyen Orient. Les rues tournent et retournent et chaque fois qu'on aboutit sur un gath*, je m'étonne d'avoir marché dans cette direction. Si on pouvait passer d'un gath à l'autre, ça serait facile, mais non. Le Ganga est trop haut, la plupart des gaths sont sous la boue qu'il a laissé après l'inondation ou encore sous ses flots.

On continue de se perdre pendant que le Ganga s'assèche tranquillement sous un soleil de plomb qui réchauffe l'atmosphère chaque jour que la pluie tombe pas. Gauche, gauche, droite, cul de sac! Droite, en haut, en dessous, gauche, cul de sac! On demande des directions à un et à l'autre. On à l'air crissement perdus, tellement, qu'ils décident souvent de nous reconduire à notre destination.

C'est pas parce que les rues sont larges comme deux culs de vaches qu'il en a moins. C'est seulement la densité qui augmente. La formule s'applique aussi aux ordures et aux piétons qui partagent le peu d'espace avec les motos, les vélos et les quêtteux. Je suis pas certain si c'est le facteur densité ou s'il y a vraiment plus de quêtteux ici qu'ailleurs.

Étant pas chrétien, je crois pas aux bienfaits de la reproduction excessive, de la pitié ou de la charité. Au contraire, je pense que ça contribue au problème de surpopulation et encourage la multiplication des mendiants. J'envoie promener sans remords les enfants qui veulent des bonbons, les vieux babas et les madames en beau sari avec leur bijoux et leur bébé sale et tout nu dans les bras. Il arrive que je leur donne quelques roupies s'ils sont photogéniques, sinon, je leur réplique: "Stop making babies.", "Use a condom next time." ou "Sell your jewellery." Pourtant, ici, ils viennent me chercher un peu plus!

On a affaire a une classe supérieure de quêtteux si je peux m'exprimer ainsi. Il y a les types pas de jambe qui rampent en balayant le train, des hommes-tronc, des déformés à faire peur, des pas de yeux, des pas de crâne! Je sors quelques roupies malgré moi. L'autre fois, j'ai donné mon chola bathura** à un gars sans bras. Je repensais à ça par après, le pauvre va faire comment pour ouvrir les sac et manger?

C'est loin d'être le plus troublant. Un bébé de moins d'un mois qui gigote sans un bruit, laissé à lui-même à côté d'un pot de change dans la saleté de la ville par une température qui frôle les 45°C. Ça, c'est hard. Bienvenue dans la cité de la mort. Certains y viennent pour mourir d'autres s'adonnent juste à être là quand la mort arrive. Le lendemain au Manikarnika gath, il y avait un très petit bûcher.





À Varanasi, au bord du Ganga, se vit la spiritualité hindoue à son paroxysme***, dans la mort, dans le combat pour la vie. Dans les rituels quotidiens on vénère le mother Ganga. Mais vénérer veux pas dire respecter. On y jette pratiquement tout. J'en ai vu arriver avec leur sac de vidanges, le lancer dedans ensuite prendre un peu de son eau brune opaque, la porter à son front et saluer les mains en prière. Ça pas de classe, mais c'est déja pardonné pas vrai?

Quand je croyais que les rues pouvaient pas être plus bondées, voilà que sort d'une rue transversale un éléphant suivi d'une parade, d'une fanfare, de danseurs et d'une énorme éffigie de Ganesh en papier mâché. Et hop Ganesh dans l'eau all dressed du fleuve sacré. La parade est finie...



À travers les foules et la parade, les corps enrobés dans des tissus scintillants, se frayaient un chemin. Transportés sur des civières de bamboo, ils sont en route vers le Manikarnika gath. On arrête pas de brûler les morts pour une parade certain! Là-bas, on brûle les morts jour et nuit tous les jours! Tôt ce matin j'ai été témoin de ces cérémonies qui se font en public devant les yeux de tous les indiscrets...

À son arrivée, le corps est trempé dans le fleuve puis déposé sur le bûcher. Le prêtre, toge blanche tête rasée, l'enfume d'encens en tournant autour. Ceux qui me semble être les membres de la famille recouvrent le corps avec les dernières bûches et le prêtre y met le feu. Une épaisse fumée blanche émane. Tisha vomit...

Varanasi c'est dans ta face en tabarnack!



L'Inde sublime, l'Inde horrible, l'Inde grandiose, l'Inde médiocre. Surprenante et incroyable à n'en plus finir! L'endroit où les mots foule et sale prennent un tout nouveau sens. Ça fera exactement quatre mois que j'y suis. J'ai besoin d'un break de bruit, de chaleur et de masala. Je m'envole vers la simplicité, la sérénité, la propreté, la sexualité et la gourmandise. Bangkok! À 60$ le billet, pourquoi je m'en priverais?



*Gath = Le mot veut dire marche en hindi. C'est simplement les marches qui mènent au cours d'eau.

**Chola bhatura = Chola: pain gonfé frit. Bathura: pois chiches dans la sauce que j'ai appris à cuisiner moi-même!

***Paroxisme = En médecine, le mot paroxisme est le moment le plus aigu d'une maladie ou d'un état morbide.

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