18 décembre 2013

JEUX DE LUMIÈRE

Bangkok brille à perte de vue et projette jusqu'au ciel. Deux heures plus tard, par le même hublot, j'aperçois Kolkata endormie. Sa lumière est parsemée comme une poignée de billes incandescentes lancées dans le "pitch black". La lumière qui oscille comme une ampoule qui manque de jus délimite ce que Aravind Adiga* appelle "The Darkness". La pauvreté d'un village sans électricité, sans éducation. À Kolkata, on parle de quartiers faits de bâches et de tôles, où le seul éclairage vient des feux de vidanges et de la lumière bleutée des cellulaires. En Inde, dormir par terre sur un trottoir, c'est pas une raison de se priver d'un cell!

Dans les grosses villes indiennes, il y a toujours quelque chose qui entrave la circulation en plus de l'habituel troupeau de chèvres qui se promène centre-ville. Des mariages prennent place, des éléphants ou des chameaux déferlent dans la rue ou juste un dude qui a décidé de changer une roue de truck au milieu de la place. V'là qu'arrive une parade, une fanfare, un char avec des gamins déguisés devant une peinture enfantine de bras arrachés et de têtes coupées. Juste en Inde tu peux voir ça esti!






Des fois, je me perds intentionnellement dans une ville inconnue à la recherche de trucs du genre. En Inde, je suis jamais déçu. Il y a toujours de la lumière intéressante à capturer aussi dark ça peut être par endroit. Je me suis perdu dans Bangkok la semaine passée, dans Kolkata cette semaine et qui sait peut-être dans Kathmandu la semaine prochaine! L'activité est encore plus intense de nuit. La rencontre avec une ville est plus intime et personnelle de nuit. Comme rencontrer quelqu'un en pyjama sur son divan. Ça peut devenir malaisant, mais c'est plus fort que moi, je suis trop curieux.

Près du pont d'Howrah entre les gaths et la track, j'ai passé à la limite de la noirceur. Je me suis pas enfoncé. J'ai peur du noir... Dire qu'à côté les lampadaires éclairent le parc central verdoyant et ses fontaines et que les taxis jaunes et les bouches de métro rappellent New York. Contrastes, toujours contrastes. À 630km seulement ( Pas loin de 21 heures de trajet pareil ), LE contraste d'entre tous; Darjeeling. Les Britishs l'ont construit sur le dessus d'une montagne avec vue sur le Khangchendzonga et l'ont entouré de champs de thé. La version indienne de Aspen est fashonable, huppé et complètement hors de prix pour l'Indien moyen avec ses chambres deluxes à 10$ et ses pâtisseries fancy. Et pendant qu'on se bourre la face et qu'on magasine des trucs, on monte le thé et la brique à l'arrache pour la demande grandissante. Mais quels enfouarés! Je culpabilise presque...







*Aravind Adiga = Auteur de White Tiger. Read it it's good!

25 novembre 2013

UN ESCARGOT DANS UNE BAIGNOIRE - LÉTHARGIE ET MANQUE D'INSPIRATION SUR LE PANCAKE TRAIL

Inspiration "0". Inspiration, m'as-tu quittée? Deux mois sont passés sans que je puisse extraire un seul paragraphe de cette cervelle léthargique qu'est la mienne. En vérité, c'est moi qui quittai l'inspiration et l'Inde du même coup. Épuisés et dépassés, on s'est posés sur la péninsule thaï-malay le temps d'un island hop de tout repos.

À part les femmes voilées, la Malaisie a très peu en commun avec l'Inde. C'est propre, accessible, riche, modéré. On commence dans l'extrême nord-est, dans le parc marin Terengganu, sur la populaire pulau Perhentian Kecil. Le pneu de tracteur qui était sur Romantic beach il y a deux ans a pas bougé. C’est plus bondé et plus sale. L'ambiance a changée, les prix ont doublés et les coraux se détériorent. Merci aux snorkelers qui savent pas nager. La morale de l'histoire, pour citer mononcle Jean "The Wolf" Leloup: "Les moments parfaits ne reviennent jamais." L'inspiration m'a manquée.

Parce que traverser la moitié du monde pour me retrouver dans un bar à boire de la bière sur les hits américains et anglais, entouré de visages familiers, c'est pas mon voyage. Et pour d'autres raisons évidentes, j'ai déménagé mon hamac sur une autre île. Une île dont je tairai le nom, une île encore épargnée par les guides de voyage sans pitié. L'eau est turquoise, le sable est doré, le reef est en pleine santé et les touristes sont de proximité. Good people, good vibes, perfect!

Les Malaisiens qui visitent les week-ends ont beau vivre dans un pays entouré de mer et d'îles sablonneuses, c'est pas croyable comment ils sont pas à l'aise sur une plage. Mr. le curé aux Foufounes Électriques! Ils ont tous horreur du soleil. La plupart ont peur de l'eau et ne savent pas nager. Manque d'aisance c'est le moins qu’on puisse dire quand les femmes avec hijabs, masques et tubas coincent leurs robes longues avec la sangle d'entre-jambes de leur veste de sécurité et s'avancent à pas de pingouin dans l'eau. Rendues à mi-cuisse, en perte d'équilibre et embourbées dans l'excès de vêtements mouillés, elles se plient en deux pour tremper leur masque. Sérieusement?! Le ridicule ne tue pas! Évidemment, l'élégance ne se baigne pas.


Sur le balcon de mon bungalow entre la beach et la jungle suante infestée de maringouins format jurassique, mon hamac se berce au rythme d'une joyeuse oisiveté. Le hamac est l'endroit idéal pour s'adonner à l'activité cérébrale, mais la léthargie physique qu'il provoque m'empêche de me lever pour noter quelqu' éclair de génie qui s'adonnerait à frapper. Les moments de lucidité s'évaporent au petit matin. Reste plus que quelques vagues théories et réflexions sur le temps qui passe vite, le temps qui passe pas, le tic-tac de l'horloge et la perception qu'on en a.

Le 16 octobre dernier, il y a un an exactement, dans mon aréna Mike Bossy, le corps ramolli dans un fauteuil douillet plutôt qu'un hamac, j'écrivais:


16 OCTOBRE À L'ARÉNA

Arrêté pour regarder l'oiseau qui pépie
Mon regard s'est tourné vers le soleil rougi
Une seconde et j'avais manqué son envol

Le temps a filé sans que j'en saisisse un seul moment
Les horloges coulent et dégoutent sur mes pieds trempés
Mes sentiments engourdis, mes yeux pleurent du verglas

Mais quelle déprime! Quel ennui! Le temps s'écoulait au compte-goutte. Goutte chinoise. Chaque minute pesait une heure. La scène de Fight Club me revenait en tête: "This is your life...". Pénible état d'esprit que l'ennui. Aujourd'hui, sur mon île, je suis pas plus occupé. Mes journées se limitent à préparer le teh tarik et mon dîner, gratter les chats et nager au-dessus des coraux mauve, jaune, vert et rouge avec tous les personnages de Némo que les madames voilées verront jamais. J'en ai pris quelques photos avant que mon appareil se noie.





Le soir venu, je me balance comme un pendule dans mon hamac. Toujours aucune trace d'ennui. A moment of stillness* dans mes oreilles. J'élabore mes théories sur la perception du temps. Conclusions? Cette perception variable est intimement liée à l'état d'esprit. L'ennui n'est qu'un produit dérivé de l'état d'esprit. Le temps en lui-même est un concept insaisissable... Ou un complot!

Bref, j'ai décidé de ne plus croire au temps. De toute façon, je le perçois plus (Ça doit être l'influence de l'est) et il est d'aucune utilité ici! Quelle joie qu'il existe des endroits comme ici, des états d'esprit comme ici. Androïd garde le compte. Moi, je l'ai perdu presqu'autant que ces parents indiens qui savent pas en quelle année leur premier fils est né. Les heures de hamac s'accumulent. C’est presque gênant. Selon ce fameux Droïd, 27 jours ont passés. Ma léthargie s'est aggravée, un escargot dans une baignoire. Les mouvements se font rares, mais devront s'enclencher. Les visas expirent, d'autres doivent se faire et ils se foutent bien de mes croyances et théories. Je plie mon hamac sans trop comprendre où sont passés mes 27 journées.



KL, une douzaine de jours plus tard, on refuse de considérer ma demande de visa. Foutus indiens, on sait jamais à quoi s'attendre avec eux! Ils me référent à Bangkok comme si c'était la porte à côté. Faut croire que les arrêts sur la côte Andaman seront plus courts que prévu. Ce qui est pas si mal après tout.

On s'est étiré l'estomac comme un ballon de basket à George Town, la capitale gastronomique malaysienne. Et puis, on est passé du coté thaï de la péninsule! Too much! Trop de peau qui aurait dû rester couverte, trop de bouffeurs de path thaï, trop de buveurs de bières, trop de dodus rosés en vacances qui glissent sur le circuit bien huilé entre l'avion, la mini van, le bateau et le coin de sable où ils passeront leur séjour entre le mini-mart et le bar pseudo-reggae. Eerk! Ils rentreront chez eux en pensant que c'est ça la Thaïlande. Le pire c'est qu'ils auront à moitié raison.

J'ai noyé une deuxième caméra** dès la première saucette, mais croyez moi, les fonds marins sont superbes et compensent largement pour les horreurs qui peuplent la plage. Y nager est méditatif. Que dire de plus, que dire...? Encore une fois, l'inspiration m'a manquée.




Nous voilà de retour dans sexy Bangkok. Elle sait exactement comment te faire sortir tes bahts et te vider les poches dans le temps de le dire. Une vraie salope! Tout le monde pogne la fièvre impulsive de la consommation. Que ce soit dans les malls où se vendent les Bentleys sur un étage et le Dior sur l'autre ou dans les marchés aux puces où se vendent les gougounes usagées à côté des walkmans jaunes. Peu importe ton budget, peu importe tes goûts, que tu le veuilles ou non, l'argent fuit de partout comme de l'eau dans un panier. Deux semaines de budget partent en un weekend modéré. Faut que je parte d'ici avant d'être paumé comme deux Kényens aux douanes.

Mais avant tout, grosse bière à la main, camisole, costume de bain, air détendu, do the falang*** walk!



* God is an astronaut - A moment of stillness - EP - 2006

**Sony à marde. 200$ à l'eau c'est le cas de le dire

***Falang - Étranger blanc en terre thaï.



29 septembre 2013

ICITTE, C'EST PAS DISNEYLAND!



Dans la vieille ville de Varanasi, on se perd autant que dans un souk médiéval du Moyen Orient. Les rues tournent et retournent et chaque fois qu'on aboutit sur un gath*, je m'étonne d'avoir marché dans cette direction. Si on pouvait passer d'un gath à l'autre, ça serait facile, mais non. Le Ganga est trop haut, la plupart des gaths sont sous la boue qu'il a laissé après l'inondation ou encore sous ses flots.

On continue de se perdre pendant que le Ganga s'assèche tranquillement sous un soleil de plomb qui réchauffe l'atmosphère chaque jour que la pluie tombe pas. Gauche, gauche, droite, cul de sac! Droite, en haut, en dessous, gauche, cul de sac! On demande des directions à un et à l'autre. On à l'air crissement perdus, tellement, qu'ils décident souvent de nous reconduire à notre destination.

C'est pas parce que les rues sont larges comme deux culs de vaches qu'il en a moins. C'est seulement la densité qui augmente. La formule s'applique aussi aux ordures et aux piétons qui partagent le peu d'espace avec les motos, les vélos et les quêtteux. Je suis pas certain si c'est le facteur densité ou s'il y a vraiment plus de quêtteux ici qu'ailleurs.

Étant pas chrétien, je crois pas aux bienfaits de la reproduction excessive, de la pitié ou de la charité. Au contraire, je pense que ça contribue au problème de surpopulation et encourage la multiplication des mendiants. J'envoie promener sans remords les enfants qui veulent des bonbons, les vieux babas et les madames en beau sari avec leur bijoux et leur bébé sale et tout nu dans les bras. Il arrive que je leur donne quelques roupies s'ils sont photogéniques, sinon, je leur réplique: "Stop making babies.", "Use a condom next time." ou "Sell your jewellery." Pourtant, ici, ils viennent me chercher un peu plus!

On a affaire a une classe supérieure de quêtteux si je peux m'exprimer ainsi. Il y a les types pas de jambe qui rampent en balayant le train, des hommes-tronc, des déformés à faire peur, des pas de yeux, des pas de crâne! Je sors quelques roupies malgré moi. L'autre fois, j'ai donné mon chola bathura** à un gars sans bras. Je repensais à ça par après, le pauvre va faire comment pour ouvrir les sac et manger?

C'est loin d'être le plus troublant. Un bébé de moins d'un mois qui gigote sans un bruit, laissé à lui-même à côté d'un pot de change dans la saleté de la ville par une température qui frôle les 45°C. Ça, c'est hard. Bienvenue dans la cité de la mort. Certains y viennent pour mourir d'autres s'adonnent juste à être là quand la mort arrive. Le lendemain au Manikarnika gath, il y avait un très petit bûcher.





À Varanasi, au bord du Ganga, se vit la spiritualité hindoue à son paroxysme***, dans la mort, dans le combat pour la vie. Dans les rituels quotidiens on vénère le mother Ganga. Mais vénérer veux pas dire respecter. On y jette pratiquement tout. J'en ai vu arriver avec leur sac de vidanges, le lancer dedans ensuite prendre un peu de son eau brune opaque, la porter à son front et saluer les mains en prière. Ça pas de classe, mais c'est déja pardonné pas vrai?

Quand je croyais que les rues pouvaient pas être plus bondées, voilà que sort d'une rue transversale un éléphant suivi d'une parade, d'une fanfare, de danseurs et d'une énorme éffigie de Ganesh en papier mâché. Et hop Ganesh dans l'eau all dressed du fleuve sacré. La parade est finie...



À travers les foules et la parade, les corps enrobés dans des tissus scintillants, se frayaient un chemin. Transportés sur des civières de bamboo, ils sont en route vers le Manikarnika gath. On arrête pas de brûler les morts pour une parade certain! Là-bas, on brûle les morts jour et nuit tous les jours! Tôt ce matin j'ai été témoin de ces cérémonies qui se font en public devant les yeux de tous les indiscrets...

À son arrivée, le corps est trempé dans le fleuve puis déposé sur le bûcher. Le prêtre, toge blanche tête rasée, l'enfume d'encens en tournant autour. Ceux qui me semble être les membres de la famille recouvrent le corps avec les dernières bûches et le prêtre y met le feu. Une épaisse fumée blanche émane. Tisha vomit...

Varanasi c'est dans ta face en tabarnack!



L'Inde sublime, l'Inde horrible, l'Inde grandiose, l'Inde médiocre. Surprenante et incroyable à n'en plus finir! L'endroit où les mots foule et sale prennent un tout nouveau sens. Ça fera exactement quatre mois que j'y suis. J'ai besoin d'un break de bruit, de chaleur et de masala. Je m'envole vers la simplicité, la sérénité, la propreté, la sexualité et la gourmandise. Bangkok! À 60$ le billet, pourquoi je m'en priverais?



*Gath = Le mot veut dire marche en hindi. C'est simplement les marches qui mènent au cours d'eau.

**Chola bhatura = Chola: pain gonfé frit. Bathura: pois chiches dans la sauce que j'ai appris à cuisiner moi-même!

***Paroxisme = En médecine, le mot paroxisme est le moment le plus aigu d'une maladie ou d'un état morbide.

16 septembre 2013

DES PETITES PIS DES GROSSES BIBITTES

Pendant les pluies de la mousson, la ville rose devient brique et les rues deviennent des lacs de soupe aux vidanges. Comme un chien: Moins joli et plus odorant mouillé. Je marche, jusqu’aux genoux, dans le bouillon brun quand je suis frappé par un éclair de génie. "Ça serait peut-être plus agréable si je sortais des grandes villes sales..." Ok go!


En Inde, l'histoire n'est que légende. On distingue rarement le vrai (si vrai il y a) du faux, les faits des fictions. Je me trouve à Pushkar, un village de 15 000 habitants recensés, qui aurait été fondé il y a 60 000 ans par Brahma lui-même. Bien sûr... Ici, les hommes les plus sobres sont habillés en blanc et orange vif. Les femmes sont un feu d'artifice de paillettes multicolores. Pour en faire un portrait, la palette du peintre devra être énorme avec beaucoup de bleu poudre pour le fond. Jour et nuit, les dévoués chantent des mantras dans des micros de mauvaise qualité amplifiés par des speakers métalliques. Souvent plusieurs chants se mêlent, comme des sourds qui jamment. Trame sonore divine!

Les rues étroites sont déblayées par des madames avec balais et brouettes. Ça fait changement des grosses grattes. Non, je fais pas allusion au Québec quand je parle de grattes. En Inde aussi on déblaie les rues, de vidanges! Ça s'accumule comme la neige de janvier et les grandes villes comme Jaipur ou Amritsar ont le même genre d'équipement qu'on utilise pour notre neige.

Revenons à Pushkar, la capitale du spirituel en boîte et des faux quêteux. Les faux, ce sont ceux qui négocient ce que tu leur donnes. Criss t'es quêteux, prends ça pis ferme ta yeule! Ah qu'il est difficile de pas s'emporter avec eux! Je rumine encore des pensés racistes inspirées par tous ces gens médiocres que j'ai croisés dans toutes les grandes villes que je viens de visiter. D'un coup, je me fais sortir de ma bulle par un visage familier. C'est Rahul avec qui j'ai passé une partie de l'été dans l'Himachal. " My god! Qu'est-ce que t'as fais à tes cheveux? Tu as l'air d'un 'tit cul!"

Rahul est début vingtaine. Dur d'être précis puisqu'il sait pas en quelle année il est né. Pour sûr, il est né à Pushkar et il fête sa naissance chaque fois que son boss a besoin d'un événement pour vendre plus de bières. Il travaille au 7th Dream Hotel en face du meilleur "sweet shop" du Rajasthan et peut-être même de tout le pays. On y fait bouillir le lait et le sucre pas loin de quinze heures par jour et les clients affluent du matin au soir. Quand le gars du shop m'a dit: "They're all good." ça sonnait comme un défi! Je les ai tous achetés et tous goutés. And he was right! Je reprends tranquillement le poids perdu au Ladakh.



Pas très à l'aise coincé entre Rahul et Tisha sur une vieille moto. On zigzague le trafic, les vaches et les chameaux. Il nous amène souper chez lui. Sa mère et sa sœur nous accueillent avec un sourire qui en dit plus que les quelques mots anglais qu'elles connaissent. On mange le Dal Bhati, un genre de soupe aux pois épicée (dal) servie avec riz et pains ronds (bhati). Végétarien évidemment! La viande se fait rare ailleurs en Inde, mais ici c'est carrément interdit.

Suffisait d'une soirée sympathique avec un ami pour modérer mes idées racistes envers les Indiens. En réalité, c'est vrai que c'est qu'une minorité qui se fait un devoir de rendre notre séjour dans leur coin de pays aussi désagréable que possible. Le problème, c'est que la plus mince des minorités en Inde ça fait beaucoup de monde pareil!

Six jours plus tard, Rahul nous accompagne jusqu'à Jaisalmer pour nous présenter son chum qui organise des "camel safari". Je fais confiance à Rahul autant que je peux faire confiance à un "street boy" buveur de whisky, mais ses chums, pantoute! On optera en fin de compte pour l'agence réputée Ganesh.


Le package inclut: Un chameau qui pète, qui chie et qui rumine sans arrêt, du sable, des grosses bibittes, du vent puis des éoliennes à perte de vue. Foulard pour empêcher le sable de boucher tous mes orifices pendant la nuit, non inclus. Le mal de dos et les températures au dessus de 45° sont garantis, le spectaculaire et l'expérience du désert, non garantis. *Frais de dépanneur en sus.

Parce que oui dans ce soi-disant désert, on peut commander des bières froides et acheter des cigarettes. L'expérience authentique quoi! Un peu comme si je vantais la nature sauvage québécoise à des touristes pour les amener camper à St-François, Laval en dessous des pylônes. Quelqu'un veut de quoi chez Couche-Tard?

Pendant deux jours et deux nuits, on a absorbé l'odeur des chameaux et adopté la posture du cowboy. Suffit! Reste plus qu'à revenir vers l'est à travers les champs et les déserts qui occupent tout l'espace entre les grosses villes sales du pays des rois. Je me demande ce que j'ai bien pu manquer pour être incapable de m'expliquer l'énorme flux de touristes dont le voyage en Inde se limite au Rajasthan. Avant toute place, ils viennent ici dans le désert, quand le pays offre l'Himalaya, la mer, la jungle... Pour moi, c'est incompréhensible comme visiter le Canada en commençant par la Saskatchewan...

Rahulsingh Phulwar: 0990 5002 9278
                              rahul11@gmail.com

                              Si vous passez par Pushkar appelez-le, il va vous arranger ça.




02 septembre 2013

HINDUSTAN

Depuis toujours, les hommes aiment observer les phénomènes plus grands qu'eux: Le mouvement des étoiles, le coucher du soleil ou le va-et-vient de la mer. Les macaques à bonnet aiment aussi. Ils sont des centaines au bord du chemin assis jambes pliées fesses sur les talons. Ils regardent les machines passer d'aussi près que possible. En approchant de la ville, j'observe de plus en plus d'hommes qui s'adonnent à la même activitée avec une expression très similaire sur leur visage. "Mais où est-ce que je suis rendu là?"



Jammu. Il y a autant de "gun shops" qu'il y a de dépanneurs à Laval. Faut croire que la demande est là... Les gens nous regardent comme des créatures venues d'un autre monde (et peut-être que nous le sommes). Les enfants pointent ou se cachent, les adultes nous ignorent ou nous regardent avec méfiance. Une dizaine d'hôtels nous donnent la même réponse: "No foreigners". Voilà notre premier contact avec l'Inde hindoue.

Les habitants de Jammu sont dans la catégorie des effrayés. Oh oui, je les ai catégorisés! Il y a trois types de réactions chez l'homme hindou à la vue de l'homme blanc à chapeau. La peur. Pas seulement chez ceux qui ont vécu la répression britannique, aussi chez les plus jeunes qui  ont sûrement entendus l'histoire.

L'excitation. Oh my Krishna! Un blanc! Vite, touches-y! Donnes-y ton bébé et prends une photo! Poses-y toutes les questions que tu peux formuler en anglais! Envoyes-y des clins d'oeil et des becs! Piques-y son chapeau! Ils se massent autour de moi pour m'observer. Ils accotent leurs mentons sur mon épaule pour voir la photo que je prends. Tellement de regards se posent sur moi, je me sens envahi par un nombre grandissant d'indiscrets. Je marche sans m'arrêter en regardant mes pieds. Je suis bête avec eux plus souvent que je devrais. C'est pas ma faute si je les confonds souvent avec la troisième catégorie des harceleurs touristique professionnels.

Chiching! Les signes de piastres leur roulent dans les yeux dès qu'ils aperçoivent l'ombre d'un blanc à chapeau. C'est la pire des catégories qui englobe arnaqueurs, menteurs, quêteux, faux quêteux, faux babas*, vendeurs de bijoux, vendeurs de guénilles, vendeurs de spiritualité en boîte ou de n'importe quelle cochonnerie made in India. Les plus honnêtes d'entre eux admettent être des menteurs-nés. Ils sont prêts à toutes les bassesses, aux harcèlements et aux stratagèmes vicieux pour sortir l'argent de mes poches, sauf la façon directe, et plus honnête à mon avis, du couteau sous la gorge.

Ceux qui semblent plus futés et qui parlent un bon anglais, sont les pires. Ils peuvent prétendre être ton ami pendant des jours, voir des  semaines, pour essayer de te crosser avec un "scam" minutieusement élaboré. Les sans-génie eux, se contentent de lancer les pires "pitchs" de vente genre: "Come spend your money!" ou "Very cheap!" Des fois, c'est juste un baba qui te regarde en shakant sa can de change. Si je les ignore, ils me suivent ou me crient après. Un cri qui se limite souvent à un son bestial "UuuuGgghhhh!". En tant que touriste, on a trop souvent à dealer avec eux et ils propagent une image de merde de tout leur peuple.

Il devient très difficile de les endurer, impossible de leur faire confiance et imprudent de s'en faire des amis. La solitude est le compagnon des voyageurs au Rajasthan. Ironique dans une si grande foule. Bien heureux de voyager à deux...

Je parle toujours des hommes et au masculin parce que dans mon périple de Srinagar, à Jammu, à Amritsar, à Jaipur jusqu'à l'extrême ouest du Rajasthan, jamais une femme m'a adressé la parole ni même un regard. Elles m'évitent et se cachent derrière leur voile. Les femmes hindous sont à mon constat, des citoyennes de deuxième classe, beaucoup plus que dans des pays musulmans comme l'Indonésie ou la Malaysie.

Elles se mêlent jamais aux hommes et leur adresse rarement la parole. À la sortie de l'école, les jeunes de quatorze ou quinze ans marchent en groupe de garçons et de filles en se tenant par la main. Ne devraient-ils pas avoir la libido dans le tapis et le désir de découvrir, l'instinct de se mélanger? Ils sont tellement gay comme peuple et ce dans les deux sens du terme. Gay comme des dizaines d'hommes matures qui font voler des cerfs-volants avec tout le sérieux d'un jeu d'enfant. Aussi gay comme deux hommes qui partagent le même siège dans le bus, assis un par-dessus l'autre. Ils se pognent les fesses, se flattent les doigts et les cheveux. Ils marchent main dans la main, mais faire la même chose avec une femme serait très mal vu. Comment ce peuple a-t-il pu créer le Kamasutra? Impossible!

Je pourrai  jamais comprendre un centième de ce que j'appellerais le non-sens hindou. Je suis mal à l'aise dans leur monde sans modération, sans nuance où tout est "full power, 24 hours" ou abstinence.

*Baba = Barbu habillé d'une couverte souvent orange supposément religieux, mais plus souvent bums ou drug dealers.



21 août 2013

LES ROUTES DE L'IMPOSSIBLE

L'album éponyme de Gorillaz dans mes oreilles. Leur musique spatiale accompagne parfaitement ce décor martien désolé. Chaque courbe débouche sur un paysage spectaculaire d'écorce terrestre plissée rougâtre avec la neige éternelle des Zanskar en arrière-plan.

Les rocs érodés prennent la forme de dunes ou celle que le vent veut bien leur donner. Les rivières sculptent des canyons aux allures de ramparts et des rocs aux strates verticales complètent la forteresse qui isole le Ladakh du reste du monde.

Le bus brasse mes pauvres os sans aucune pitié sur une trail digne de passer à l'émission Les Routes de l'Impossible sur Canal D. La route s'effrite sous nos roues, si près du bord que de ma fenêtre, je vois rien que le fond du ravin. Les pires moments sont les rencontres avec d'autres véhicules et les délibérations pour savoir qui va reculer jusqu'au passage assez large pour deux.

On passera la nuit à Sarchu. C'est tellement haut que les sacs de Lay's fendent sous la pression de l'air qu'ils contiennent. Rien ne vit à 4000m dans une telle sécheresse, à part quelques herbes. Le silence est complet. Je trouve pas le sommeil. Je frissonne sous douze couvertures, je suis déshydraté. Je réagis mal à l'altitude. Au petit matin, les yeux rougis par l'insomnie, je fais connaissance avec la bouffe ladakhi: Toast à l'odeur de propane tartinée au jello. Aussitôt englouties, aussitôt en route.

Les épingles se succèdent, la route zigzage vers le deuxième plus haut pass* carrossable du monde. Je m'exclame dans ma tête pour pas trop ressembler à mon père: "Check le pic mon homme!" On arrive à destination en après-midi. "Ça porte mal son nom, c'est pas Leh pentoute!" Aaaargh Jean sors de ce corps!






Leh, un patch de verdure au milieu du désert loin de tout et à l'abri du temps. Une culture distincte y survit. Les femmes y portent la robe de laine noire traditionelle malgré le soleil qui plombe et les 30°C. Les habitants sont d'un calme bouddhiste. Pas de vente à pression, pas de quêteux, pas de harcèlement sur les touristes, on est loin des Indes!

Avec ses temples perchés, ses maisons du désert faites de sable et de pierres et ses stupas blanches en forme de cloche, c'est un petit Lhassa. Quand la nuit tombe, la capitale est éclairée aux génératrices et aux chandelles même autour de la mosquée en plein centre-ville. Il est sage de traîner une flashlight pour éviter les bouses dans l'obscurité.

Quatre routes sortent de Leh. Trois d'entres elles se ventent d'être les plus hautes du monde. J'ai été arrêté par un glissement de terrain dans ma tentative d'atteindre le plus haut pass, Khardung la. Si près du but...

Taglang la se trouve sur la route entre Manali et Leh. On y croise que des camions Tata qui t'assurent que tu te trouves en Inde ou dans un de ces pays en stan. En saison, quelques 4x4 de touristes et un bus gouvernemental se mettent aussi au défi chaque jour.





En direction de la Chine, le troisième plus haut, Chang la. Je tente l'ascension sur ma Bajaj Pulsar avec Laeticia et 20kg de bagages. Plus on monte, plus la route ressemble à une trail, puis la trail devient pit de sable, ensuite rivière et puis re-pit de sable. Quelle joie ce serait pour un amateur de moto-cross! Moi, sur ma moto de ville de 150 forces surchargée, je me fais chier! Mon pire ennemi c'est le sable. Je m'en sors avec une pédale à break pliée, une couple de scratches, une frousse et un orgueuil froissé.

Chang la, 5289m. L'armée offre le thé aux passants assez courageux pour s'y rendre. Ils vendent aussi un bon exemple de bouffe ladakhi: Les momos! Beurk! Même dans la capitale, entre  les guesthouses et les agences de trekking, (il y en a tellement, mais je me demande bien qui veut trekker dans le désert) la bouffe est douteuse. Dès que tu t'en éloignes, c'est pire que pire. Ils arrivent à faire du riz blanc immangeable!

Indigestions par-dessus diharées explosives par-dessus indigestions et brûlements d'estomac, je veux plus manger. Je veux plus manger. Je veux plus! Je mets la "nourriture" (Oh oui ca mérite des guillemets!) dans ma bouche, c'est dégeulasse, ça s'avale pas! Je maigri... C'est une infection alimentaire qui dure 10 jours. J'ai jamais faim. J'ai la bouche pateuse et les mains desséchées. Je suis souvent dizzy et bouche bée devant la beauté du paysage. C'est à croire que je gobe cinq grammes de mush par jour.

"Prends sur toi The Bear, tu le savais que ça serait dur l'Himalaya." Quand je pense que je pourrais être un mort-vivant de l'autre coté de la planète dans mon bunker réfrigéré, à regarder la glace prendre et l'horloge numérique qui se donne même pas la peine de tourner pour donner l'impression que ça bouge, je me dis que je vis mieux ainsi.



Devant la beauté dure du Pangong tso qui devrait être réservé aux dieux, j'ai cette sensation magnifique d'accomplissement. Celle d'être finalement arrivé après tous les efforts déployés. Mes douleurs gastriques me font plus souffrir, elles me rappellent que je vis toujours.

151km parcourus en 9 heures entre Leh et le lac. Laeticia descendait souvent pour que je traverse la moto à travers le sable et les rivières. Le retour m'angoisse un peu. Le bus passe une fois semaine. C'est pas une option. Un taxi se propose pour 1000Rs et Dieu sait que j'aurais été prêt à mettre  beaucoup plus pour pas revivre l'expérience de l'aller. 1000Rs vaut mieux que retourner à Leh vide pour lui et Laeticia aura pas à marcher la moitié du chemin. Tout le monde est content. Mon retour sera beaucoup plus plaisant et en contrôle sur une moto légère.

En dix jours au Ladakh, j'ai avalé dix livres de poussière, j'ai perdu dix livres de graisse. Je me dessèche à vue d'oeil. Il est temps de partir avant de ressembler à une figue sur sa tresse. Il reste encore une route qui sort de Leh, celle de Kargil, possiblement le quatrième plus haut pass du monde, mais qui veut entendre parler d'un quatrième de file?


*Pass = Col de montagne, le point le plus bas entre deux sommet.

14 août 2013

LE DENTISTE

Au coin d'une table d'un café à l'odeur de pisse typique des terminus indiens, je repense aux amis de Bhagsu avec un petit pincement au coeur. Il était temps de partir. Nos voisines du Neha et nos compagnons de yoga eux l'ont déjà fait. La boucle s'est bouclée par une dispute bruyante avec les propriétaires du Neha à propos d'une table de plastique qui a brûlée. On s'est réfugié au Welcome Cafe pendant les six heures qu'il restait avant le départ. Je me suis senti chez nous ici pendant ces six semaines...

Manali. On a la vue sur les pics enneigés à l'est comme à l'ouest. Chose frappante, le cannabis ici c'est la mauvaise herbe qui pousse partout sur les terrains vagues et en bord de route. Sinon, la végétation rappelle énormément le Québec; Pins, pommiers, vinaigriers, trèfles, fougères et même ces petites fleures jaunes et roses qu'on a par chez nous. On trouve aussi quelques apricotiers qui auraient du mal à pousser chez nous. C'est franchement bon fraîchement cueillis.





Old Manali, le quartier touristique, est un gros marché aux puces au milieux des vergers parsemé de guesthouse. Ça perd vite son intérêt. Seule chose dont je me tanne pas, c'est la bouffe du Olive Garden, mais tout ces plaisirs gustatifs c'est fini pour moi, du moins pour un bout de temps. J'ai une infection à ma dent de sagesse. Il faut l'enlever. J'ai raconté au dentiste comment au Canada, ils enlevent toutes les dents de sagesse en même temps. Il a répondu: "How you gonna eat then?" C'est la chose la plus sensée qui est jamais sorti de la bouche d'un dentiste. Je suis en confiance, je me decide à l'enlever.

C'est violent en esti une extraction de dent. Je devrais dire un arachage de dent. Une main sous ma mâchoire, le dentiste met tout son poid sur l'autre armée d'un genre de pic à glace. Ça sort pas! Il prend une scie à dent. L'odeur de poussière d'os chauffé me dégoute. Il recommence avec son pic. Crack! C'est sanglant.

Avant que je parte, il me recommande vivement les pain-killers en plus des autres pillules. Elle sont fortes, ça me knock-out! L'énergie me manque, je peux pas manger ni fumer. Une longue semaine de merde s'annonce avec un livre plate en plus.

En attendant de me faire enlever les gros fils noirs qui tiennent la plaie fermée, on a fait un tour à Naggar. J'ai eu une petite pensée pour Jean-Claude en prenant le thé offert par la fille de Gilbert. Laeticia a profité de leur "book exchange" riche en volumes francophones.

J'ai eu en masse de temps pour magasiner une moto. Je me suis finalement décidé à essayer une Ensfield 350 et pour des raisons évidentes, j'ai décidé de remettre ma vie entre les mains expérimentées du chauffeur de bus. Ouais! Le dentiste en Inde ça va, mais conduire sur 480km entre Manali et Leh, sur des routes à flanc de falaises qui s'éffritent, à deux sur un gros bike de motard surchargé, No f**kin' way!



29 juillet 2013

A WHOLE LOT ABOUT EMPTINESS

En route vers les quartiers chefs du gouvernement tibétain en exile par un temps exceptionnelement dégagé, la cime du Triund est visible. La neige à son sommet a considérablement fondu depuis notre arrivée. L'été est bien installé.

Au bord de la route, les chiens à moitié morts, les marchands et les mendiants habituels. Cette fois muni d'une radio FM, je me dirige dans la même dirrection que les moines afin d'assister à un "teaching" du Dalai Lama.


 


Dans la bâtisse construite autour des grands pins, le Dalai Lama fait son entrée. Les moines se prosternent trois fois avant de s'asseoir devant lui. Tous assis par terre en rangées, tous les jambes croisées, tous la tête rasée, tous en toge bourgogne. Moi seul se tortille d'inconfort. J'ai des fourmis dans les jambes et l'acide lactique me brûle les lombaires. J'admire déjà cet homme devant moi: À 78 ans assis en Indien, stable, le dos bien droit. Seul ses bras gesticulent calmement. Il restera assis ainsi pendant les quatres heures que durera son discours.

"Jin ju jichu ji cocho chiché obadro chuji chai soshan reu chéchua! Cheu chocha rieu ji..." Les moines l'écoutent avec grand respect. Beaucoup prennent des notes. Il lance quelques blagues qui ne seront pas traduites. Le discours vient par bloc. Ensuite, il prend une pause et la traduction s'enchaîne sur les ondes FM. À mon tour de prendre des notes.

Après deux heures, c'est la pause pipi/collation. Les moines circulent avec de grandes théières métalliques, distribuent du thé au lait de yak et du pain à tout le monde. Tout ceux qui revêtent la toge bourgogne reçoivent aussi un billet de 100 roupies.

Le Dalai Lama ne bouge pas durant la pause. Il rigole et se fouille dans le nez. Pas une seule fois il se dégourdit les jambes. Les moines qui se sont levés se prosternent trois fois avant de se rassoir et c'est reparti. Il communique avec une aisance peu commune chez les hommes de cet âge. Pour ne pas faire une copie d'une copie, une traduction d'une traduction, je resterai en anglais.

Budd = Mind Ha = Sun or Light Buddha = Enlighted mind

"The Buddha said: Investigate. Don't accept my teachings by devotion to me."

"All sufferance and bad emotions are in relation to the self or a reaction of the self. These emotions that stain the original clearness of the mind are grasps on a certain perception of reality. The Buddha teaches freedom from the bondage, from the grasp, to this suffering self and deny this strong notion of self, of "I", that controls the body and mind. This misconception of the self or the "I" is the root of all sufferance."

"This suffering must be understood to be overcome. Its root must be eliminated. When you have understood suffering there's nothing to be overcome. Then you will have overcome suffering and there won't be nothing to be understood."

"The self and everything that rises from conditions or causes is empty of independent existence. To become able to see this emptiness of independent existence, is to reach the path of seeing which is essential in order to proceed in Samsara."

"Through this wisdom of emptiness we are able to see the possibilities. Through our intelligence we are able to accomplish control over these possibilities. Through morality we are able to judge which possibility to pursuit."

Voilà un très résumé de ce que j'ai pu saisir de la traduction. Et si on résume le résumé au plus court; Celui qui dit: "I want happiness" doit se dissocier de son ego et de son désir. Il restera que "happiness"

I want happiness.
Ego Desire happiness.



J'essaie d'interpréter. Commençons par un exemple simple sur l'absence d'existance indépendante. Prenons l'homme fortuné. Il ne l'est qu'en comparaison avec les moins riches. Si on isole le sujet, il n'est ni riche ni pauvre. Sa fortune n'est que résultat de la comparaison avec l'extérieur. Comme un père est un père par la présence de son fils. Sans le père, le fils n'existe pas et sans le fils le père n'est plus.

Qu'en est-il du "moi"? Le "moi" est notre "mind" (nos pensées et émotions). Notre corps physique et notre conscience. La conscience est cette faculté innée d'être, cette capacité d'analyse et d'évolution. Si, hypothétiquement, un être humain vivait complètement isolé dès sa naissance, son évolution relèverait que de sa conscience. Il évoluerait et agirait qu'en fonction de cette conscience intuitive. Son "mind" serait inexistant. Il vivrait sa vie entière sans pensée, sans émotion, sans concept. Comme dans un état de méditation avancée. Ou, on pourrait dire comme une vache.

Les pensées, les idées, les mots, les concepts et les émotions qui composent le "mind" viennent de l'extérieur. Tout ce qu'on dit, nous l'avons entendu. Tout ce que nous pensons créer n'est qu'une reproduction divergeante, une combinaison, une invertion, un rassemblement, une fragmentation ou une distortion de quelque chose de déjà perçu par nos sens.

Les idées évoluent à travers nous, se propagent comme la race humaine ou disparaissent comme les dodos. Elles se modifient selon les règles de l'évolution. Certaines sont des succès comme le premier poisson à ramper hors de l'eau, d'autres sont des échecs comme les reptiles géants de l'époque Jurassique. Elles mènent une existance séparée mais dépendente de nous. Elles nous ont précédées et nous surviveront. Tel les atomes qui composent notre corps, qui assemblés différement peuvent être n'importe quoi sauf l'espace, les pensées et les émotions assemblées différemment peuvent être n'importe qui sauf la conscience.

Alors ce "moi" dont nous croyons avoir le contrôle n'est qu'un produit de circonstances hors de notre contrôle, donc une illusion ou une "misconception" de nous-même. La conscience, elle est tout simplement. Seul peut la voir celui qui nettoie son "mind" de tout ce qui le tache. Seul celui-là, the Budd Ha, ou le "mind" clair pourra voir sa conscience à travers son "mind" et se détachera du cycle d'évolution des concepts, des pensées, des émotions et de la souffrance. Il retournera à cet état de bonheur originel appelé Nirvana.

Ça semble difficile à saisir, mais c'est la seule religion qui fait du sens à mes yeux. Ça fait beaucoup quatre heures de discours à propos du vide et de l'absence. Quatre autres heures suiveront demain. Je vais essayer de me retrouver là-dedans, si j'existe encore...

17 juillet 2013

102 % D'HUMIDITÉ

Dans la vallée couverte de pins, l'air chaud des plaines se bute contre l'Himalaya, se condense et crée nuages, pluie et orages. Sciences physiques secondaire deux.

Le phénomene se produit exactement ici à 1800m d'altitude entre les pics enneigés et les vallons à perte de vue. Quand on est pas déjà dedans, on voit les nuages approcher et nous engloutir comme une avalanche inversée. Ils imbibent de leur humidité tout ce qui peut en absorber. Chaque jour, en entrant dans la douche ma serviette est aussi mouillée que la veille quand je l'ai accrochée. Mes doigts ramolissent comme dans un bain trop long, mes cordes de guitare rouillent.

Le chemin qui mène au Neha House se transforme en rivière. Dès que la pluie ralentie, les slugs reprennent le terrain boueux. Le jour on les évite, le soir on entend des craquement juteux sous nos semelles.



Les touristes indiens sont partis pour fuir la mousson précoce. Peu après, les gérants du Neha sont partis avec le mobilier, laissant derrière que nos lits, un tapis et une table qui brûla dans un accident de chandelle. Heureusement que j'ai mon hamac pour me canter confortablement en appréciant la vue.

Reste plus que nous deux, nos deux charmantes voisines et la famille de péquenauds propriétaires. Très tranquille, la pluie tombe toujours, je desine sur les murs.

J'ai ma petite routine à Bhagsu. Je suis un habitué du Welcome Cafe. J'y vais pour le jam, pour le staff sympathique ou simplement pour manger un thali dans mon pyjama aux couleurs funky.




Mon guesthouse et le Welcome sont à une centaine de marches de la route, donc inacessible aux Israelis qui se déplacent très peu. En bas des marches par contre, c'est un vrai ghetto de bouffeurs de falafels! La grosse majorité sont comme des chats: Ils dorment ici, ils dorment là, ils mangent, il somnolent, ils grattent, ils redorment et des fois ils traversent la rue jusqu'au Dudu falafel.

Ils sont jeunes, fraichement sortis de l'armée ou en congé scolaire. Les gars sont plutôt stone et s'ambitionnent dans leur paresse. Les filles sont plus actives et font souvent du yoga. Quel magnifique endroit pour commencer le yoga!

La pratique s'intègre bien à ma routine. Chaque jour, je descends dans le quartier juif pour me mettre en forme sauf pour le shabbat. Je vais à Mcloadganj pour faire changement. J'y suis allé entre autre pour le Dharamshala Film Festival. Le film le plus mémorable, pour ses images grandioses, s'appelait Laya Project. On y est allé aussi pour un "teaching" du Dalai Lama, mais sans radio FM pour écouter la traduction c'est sans intéret. On remet ça Mister Lama.

J'ai pensé à vous autres pour la St-Jean en écoutant Plume chanter Jonquière dans les speakers de Rahul.






18 juin 2013

FRAICHEUR EN VUE

Un soleil flou se couche derrière l'épais smog de Delhi pendant qu'on roule en direction Dharamsala sur l'autoroute que notre bus a du mal à partager avec les rickshaws, les charettes, les vélos, les motos, les camions, les tuk-tuks, les vaches et même un chameau. Dans les champs sablonneux qui bordent le highway ou pour les plus riches, dans les parcs verts entourés de barbelés, les parties de cricket du dimanche sont déjà entamées.

Depuis mon arrivée à Delhi il y a cinq jours, la température oscille entre 40°C et 50°C. Je bois plus de quatre litres d'eau par jour et j'en pisse au maximum 250ml. Le reste imbibe mes foulards et mes chandails qui sèchent sous le soleil cuisant. Ça s'annonce chaud encore aujourd'hui.

Je me suis levé à 4:30AM dans un lac de sueur après une sieste d'une trentaine de minutes. Delhi somnole encore lorsqu'on se dirige vers le Interstate Bus Terminal. Il y a des gens endormis un peu partout par terre ou dans leurs rickshaws. À la lueur des feux de vidanges, la pauvreté frappe fort. Sur le toit en face, un chaton jaune avec son frère noir sont tout enjoués. Je souris.

Le bus continue son chemin à travers l'interminable banlieue de Delhi. J'ai les yeux qui ferment pour avoir dormi que 30 minutes dans les 20 dernières heures, mais je suis gardé éveillé par les arrêts brusques, les virages serrés et les coups de klaxons. Je me résigne à ne pas dormir. Je m'enligne sur un 40 heures sans sommeil, alors je commence à chercher les mots pour décrire cette ville si dure avec ses touristes.

Mes yeux alertés regardaient dans tous les sens les véhicules en tout genre qui me fonçaient dessus. Fasciné par le jamais vu, je jetais aussi un regard par terre de temps en temps pour pas tomber dans un trou ou écraser une bouse. Je sentais la sueur couler derrière mes oreilles et sous mon chapeau. Je goûtais la poussière soulevée par les tuk-tuks et les bus. Les klaxons incessants enterraient tous les autres bruits. On était harcelé, suivi, à en devenir parano. Les odeurs, les odeurs! Un pot-pourri de bouse, de gaz, d'animaux de ferme, de sueur, de pisse, de curry. La naissance de Jean-Baptiste Grenouille...

Les sens épuisés et le nez plein de trucs gris, je me réfugiais dans ma chambre ou dans le métro.  Maintenant, je rêve à l'air des montagnes si proche.



Impossible de s'arrêter dans Delhi pour prendre une photo représentative du chaos qui y règne. En Inde, pour une lumière il y a cinq switchs et pour une douche, six robinets. On raccorde l'électricité et on organise la plomberie de cette façon.. Tentez d'imaginer comment ils organisent une ville de 12 000 000 d'habitants ou gèrent un pays de 1 100 000 000 de personnes! Absolument indescriptible!

Refugiés dans le calme de la mosquée...





29 mai 2013

LA MECQUE DES POTTEUX

On a regardé le soleil se coucher et se lever en dedans de quatre heures. On est sur un décalage et fatigués de tous les préparatifs de départ. L'avion descend vers la piste dans l'épais brouillard d'Amsterdam. On entre dans le pays "no question asked". Tu montres ta carte, tu entres comme dans un Costco.

Il est 8AM quand on arrive à l'hostel et pas moyen de trouver le sommeil dans le dortoir de vingt personnes à 35 euros le mètre carré. Alors on sort à la recherche d'un coffeeshop. Ce fût aussi facile que trouver une friandise à Disneyland. Le stock est vraiment fort! Après une légère psychose, je m'endors en un clingement d'oeil.

Première impression. La ville est charmante avec ses grandes blondes à vélo, ses petites maisons deux étages et demi accotées les unes sur les autres et ses fils de tramway qui quadrillent le ciel. On se promène dans des rues presque exemptes de voitures, l'air est propre et les odeurs les plus plaisantes se mélangent pour disjoncter mes récepteurs nasaux: Marijuana, choco-crème, stroopwaffels et autres sucreries locales! Quel délice!

Dans mon imaginaire de jeune potteu, on avait introduit l'idée d'un party de St-Jean continuel où tout le monde fumait des joints partout. Depuis les dix dernières années, j'avais jamais réfléchis à cette idée préconçue et ridicule. Si j'avais pris une seconde pour y penser, j'aurais bien realisé que c'était impossible. 

La pluie et les températures froides, nous ont découragées de prendre un vélo et d'aller voir plus loin. On s'est refugié au Rijks Musem et dans les coffeeshops. Jack Herrer et ses acolytes White Widdow, Applejack, Hawaian Haze, Amnesia et même Afghan Hash se chargent d'assomer tous les touristes qui passent! Je réalise qu'une gang de buzzés qui se connaissent pas dans un coffeeshop relax, ça donne pas du tout l'ambiance imaginée. À l'hôtel, pas grand monde se parle non plus. L'atmosphère pluvieuse et froide rend les rues calmes sauf pour le très populaire Red Light district où titubent les enterrements de vie de garçon.

Évidemment qu'il est difficile de se faire une idée d'un endroit en restant dans le centre touristique. Je suis sûr qu'Amsterdam a plus à offrir que de jolis canaux et du pot de qualité. Si j'explorais et que je prenais le temps de parler à ces grands blonds et surtout ces belles grandes blondes, je pourrais être charmé par la Mecque des potteux.