29 juillet 2013

A WHOLE LOT ABOUT EMPTINESS

En route vers les quartiers chefs du gouvernement tibétain en exile par un temps exceptionnelement dégagé, la cime du Triund est visible. La neige à son sommet a considérablement fondu depuis notre arrivée. L'été est bien installé.

Au bord de la route, les chiens à moitié morts, les marchands et les mendiants habituels. Cette fois muni d'une radio FM, je me dirige dans la même dirrection que les moines afin d'assister à un "teaching" du Dalai Lama.


 


Dans la bâtisse construite autour des grands pins, le Dalai Lama fait son entrée. Les moines se prosternent trois fois avant de s'asseoir devant lui. Tous assis par terre en rangées, tous les jambes croisées, tous la tête rasée, tous en toge bourgogne. Moi seul se tortille d'inconfort. J'ai des fourmis dans les jambes et l'acide lactique me brûle les lombaires. J'admire déjà cet homme devant moi: À 78 ans assis en Indien, stable, le dos bien droit. Seul ses bras gesticulent calmement. Il restera assis ainsi pendant les quatres heures que durera son discours.

"Jin ju jichu ji cocho chiché obadro chuji chai soshan reu chéchua! Cheu chocha rieu ji..." Les moines l'écoutent avec grand respect. Beaucoup prennent des notes. Il lance quelques blagues qui ne seront pas traduites. Le discours vient par bloc. Ensuite, il prend une pause et la traduction s'enchaîne sur les ondes FM. À mon tour de prendre des notes.

Après deux heures, c'est la pause pipi/collation. Les moines circulent avec de grandes théières métalliques, distribuent du thé au lait de yak et du pain à tout le monde. Tout ceux qui revêtent la toge bourgogne reçoivent aussi un billet de 100 roupies.

Le Dalai Lama ne bouge pas durant la pause. Il rigole et se fouille dans le nez. Pas une seule fois il se dégourdit les jambes. Les moines qui se sont levés se prosternent trois fois avant de se rassoir et c'est reparti. Il communique avec une aisance peu commune chez les hommes de cet âge. Pour ne pas faire une copie d'une copie, une traduction d'une traduction, je resterai en anglais.

Budd = Mind Ha = Sun or Light Buddha = Enlighted mind

"The Buddha said: Investigate. Don't accept my teachings by devotion to me."

"All sufferance and bad emotions are in relation to the self or a reaction of the self. These emotions that stain the original clearness of the mind are grasps on a certain perception of reality. The Buddha teaches freedom from the bondage, from the grasp, to this suffering self and deny this strong notion of self, of "I", that controls the body and mind. This misconception of the self or the "I" is the root of all sufferance."

"This suffering must be understood to be overcome. Its root must be eliminated. When you have understood suffering there's nothing to be overcome. Then you will have overcome suffering and there won't be nothing to be understood."

"The self and everything that rises from conditions or causes is empty of independent existence. To become able to see this emptiness of independent existence, is to reach the path of seeing which is essential in order to proceed in Samsara."

"Through this wisdom of emptiness we are able to see the possibilities. Through our intelligence we are able to accomplish control over these possibilities. Through morality we are able to judge which possibility to pursuit."

Voilà un très résumé de ce que j'ai pu saisir de la traduction. Et si on résume le résumé au plus court; Celui qui dit: "I want happiness" doit se dissocier de son ego et de son désir. Il restera que "happiness"

I want happiness.
Ego Desire happiness.



J'essaie d'interpréter. Commençons par un exemple simple sur l'absence d'existance indépendante. Prenons l'homme fortuné. Il ne l'est qu'en comparaison avec les moins riches. Si on isole le sujet, il n'est ni riche ni pauvre. Sa fortune n'est que résultat de la comparaison avec l'extérieur. Comme un père est un père par la présence de son fils. Sans le père, le fils n'existe pas et sans le fils le père n'est plus.

Qu'en est-il du "moi"? Le "moi" est notre "mind" (nos pensées et émotions). Notre corps physique et notre conscience. La conscience est cette faculté innée d'être, cette capacité d'analyse et d'évolution. Si, hypothétiquement, un être humain vivait complètement isolé dès sa naissance, son évolution relèverait que de sa conscience. Il évoluerait et agirait qu'en fonction de cette conscience intuitive. Son "mind" serait inexistant. Il vivrait sa vie entière sans pensée, sans émotion, sans concept. Comme dans un état de méditation avancée. Ou, on pourrait dire comme une vache.

Les pensées, les idées, les mots, les concepts et les émotions qui composent le "mind" viennent de l'extérieur. Tout ce qu'on dit, nous l'avons entendu. Tout ce que nous pensons créer n'est qu'une reproduction divergeante, une combinaison, une invertion, un rassemblement, une fragmentation ou une distortion de quelque chose de déjà perçu par nos sens.

Les idées évoluent à travers nous, se propagent comme la race humaine ou disparaissent comme les dodos. Elles se modifient selon les règles de l'évolution. Certaines sont des succès comme le premier poisson à ramper hors de l'eau, d'autres sont des échecs comme les reptiles géants de l'époque Jurassique. Elles mènent une existance séparée mais dépendente de nous. Elles nous ont précédées et nous surviveront. Tel les atomes qui composent notre corps, qui assemblés différement peuvent être n'importe quoi sauf l'espace, les pensées et les émotions assemblées différemment peuvent être n'importe qui sauf la conscience.

Alors ce "moi" dont nous croyons avoir le contrôle n'est qu'un produit de circonstances hors de notre contrôle, donc une illusion ou une "misconception" de nous-même. La conscience, elle est tout simplement. Seul peut la voir celui qui nettoie son "mind" de tout ce qui le tache. Seul celui-là, the Budd Ha, ou le "mind" clair pourra voir sa conscience à travers son "mind" et se détachera du cycle d'évolution des concepts, des pensées, des émotions et de la souffrance. Il retournera à cet état de bonheur originel appelé Nirvana.

Ça semble difficile à saisir, mais c'est la seule religion qui fait du sens à mes yeux. Ça fait beaucoup quatre heures de discours à propos du vide et de l'absence. Quatre autres heures suiveront demain. Je vais essayer de me retrouver là-dedans, si j'existe encore...

17 juillet 2013

102 % D'HUMIDITÉ

Dans la vallée couverte de pins, l'air chaud des plaines se bute contre l'Himalaya, se condense et crée nuages, pluie et orages. Sciences physiques secondaire deux.

Le phénomene se produit exactement ici à 1800m d'altitude entre les pics enneigés et les vallons à perte de vue. Quand on est pas déjà dedans, on voit les nuages approcher et nous engloutir comme une avalanche inversée. Ils imbibent de leur humidité tout ce qui peut en absorber. Chaque jour, en entrant dans la douche ma serviette est aussi mouillée que la veille quand je l'ai accrochée. Mes doigts ramolissent comme dans un bain trop long, mes cordes de guitare rouillent.

Le chemin qui mène au Neha House se transforme en rivière. Dès que la pluie ralentie, les slugs reprennent le terrain boueux. Le jour on les évite, le soir on entend des craquement juteux sous nos semelles.



Les touristes indiens sont partis pour fuir la mousson précoce. Peu après, les gérants du Neha sont partis avec le mobilier, laissant derrière que nos lits, un tapis et une table qui brûla dans un accident de chandelle. Heureusement que j'ai mon hamac pour me canter confortablement en appréciant la vue.

Reste plus que nous deux, nos deux charmantes voisines et la famille de péquenauds propriétaires. Très tranquille, la pluie tombe toujours, je desine sur les murs.

J'ai ma petite routine à Bhagsu. Je suis un habitué du Welcome Cafe. J'y vais pour le jam, pour le staff sympathique ou simplement pour manger un thali dans mon pyjama aux couleurs funky.




Mon guesthouse et le Welcome sont à une centaine de marches de la route, donc inacessible aux Israelis qui se déplacent très peu. En bas des marches par contre, c'est un vrai ghetto de bouffeurs de falafels! La grosse majorité sont comme des chats: Ils dorment ici, ils dorment là, ils mangent, il somnolent, ils grattent, ils redorment et des fois ils traversent la rue jusqu'au Dudu falafel.

Ils sont jeunes, fraichement sortis de l'armée ou en congé scolaire. Les gars sont plutôt stone et s'ambitionnent dans leur paresse. Les filles sont plus actives et font souvent du yoga. Quel magnifique endroit pour commencer le yoga!

La pratique s'intègre bien à ma routine. Chaque jour, je descends dans le quartier juif pour me mettre en forme sauf pour le shabbat. Je vais à Mcloadganj pour faire changement. J'y suis allé entre autre pour le Dharamshala Film Festival. Le film le plus mémorable, pour ses images grandioses, s'appelait Laya Project. On y est allé aussi pour un "teaching" du Dalai Lama, mais sans radio FM pour écouter la traduction c'est sans intéret. On remet ça Mister Lama.

J'ai pensé à vous autres pour la St-Jean en écoutant Plume chanter Jonquière dans les speakers de Rahul.